De la pureté en musique. Du son seul. Et seulement du son. De l'écoute qui devient absolue. À défaut de l'oreille. De ces sons mêlés à des field-recordings (
Still Point) qui sont des points d'ouverture pour une musique aveugle par nécessité. De ces sons qui saturent les écouteurs. À l'exception des auditeurs. De cette musique a-rythmique qui n'a rien de la douceur à laquelle l'atmosphère semble la destiner pourtant. Mais qui, au contraire, gagne sans cesse en puissance à mesure que s'étendent ses plages qui parfois semblent infinies (
Dropping Off,
Still Point). Et, en un sens, de l'extension de la musique au-delà du seul domaine de l’opposition “musicalité vs. bruit”.
Radicalisant la logique propre à
Stranding under endless sky, en tirant les conséquences ultimes qui conduisent à la disparition de toute pulsation rythmique, de toute indication claire de tempo, ce premier volume de
[the] sleep-over series s'attache à la surface et au fond des choses. La surface des choses parce que la musique enveloppe tout ce qu'elle approche : elle devient environnement. Le fond des choses parce qu'elle n'effleure pas les sons, mais les inscrit dans l'espace en jouant sur leur matérialité : ce sont des ondes qui se propagent et rencontrent des obstacles qu’elles surmontent parfois.
Radicale donc, la musique de
Hammock - quand elle prend à ce point le risque de l'abstraction - l'est assurément. Et, s'il est certain qu'il y a une dimension contemplative (
Moon Through the Branches,
Empty Page / Blue Sky) dans cette orientation, le plus important semble se jouer moins dans la signification des plages sonores ici présentées que dans leur physicalité proprement dite : les sons émis et leurs effets sur l'auditeur. Or, jouer la physicalité plus que la force d'évocation, c'est aussi s'autoriser à produire du pur son, c'est-à-dire du son qui soit quelque part au-delà de l'opposition musicalité vs. bruit, dans un autre état de la musique qui, s'il a déjà été exploré, demeure encore largement méconnu.
Explorer cet état de la musique, ce n'est pas tout ce que
Hammock sait faire, mais à ma connaissance, il le fait mieux que personne.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 30/10/2006